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CHANTAL



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jeudi 9 février 2012

Madame RICHAUD aux PERVENCHES N°1

Voici l’histoire d’une personne rencontrée dans une maison de retraités…Souvent, on ne connait pas leur vie passée et on n’ose pas leur demander ce qu’ils ont fait jadis…Parfois, elles aiment raconter leurs souvenirs et même les répètent plusieurs fois !
C’est ainsi que j’ai pu savoir comment Madame RICHAUD avait abouti ici, aux PERVENCHES, où elle est depuis dix ans. Elle a 80 ans et ne les fait pas : Encore belle, peu ridée, très droite et élégante. Elle semble s’ennuyer un peu, parmi ces gens souvent invalides ou grabataires. Pour se distraire, elle lit beaucoup ou écrit « sa vie » sur un petit carnet, se disant que quelqu’un lira peut être un jour ses souvenirs, cela lui fait plaisir !
Oui, mais qui trouvera ce carnet et se donnera la peine de le lire se dit elle ?
Toute sa famille est décédée ou presque et les survivants sont aux antipodes et l’ignorent.
Alors, elle écrit et essaie d’être honnête et de ne pas enjoliver ses souvenirs.
J’ai pu gagner sa confiance et elle m’a déjà donné ses carnets à lire et à illustrer de photos. Elle sait que je fais de l’ordinateur et elle me confie ses secrets.
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-          Je suis née en 1930 à SAIGON, rue CATINAT,  d’un père militaire et d’une mère eurasienne, infirmière à l’hôpital LANESSAN. Mes parents m’adoraient, j’avais un type légèrement asiatique ! Mon père alsacien et ma mère métis vietnamienne avaient donné naissance à une jolie poupée disait on…
-          Mon enfance a été très heureuse : Nous avions une belle villa avec à l’étage, trois chambres spacieuses. En bas, un grand salon, salle à manger et office. Au fond du jardin, il y avait la cuisine et la chambre de la bonne « TI BA » Cette femme était à nos soins et s’occupait de tout : le ménage, les courses, la cuisine, et parlait un français impeccable. Je l’adorais et elle m’apprenait quelques mots de vietnamien (on disait annamite jadis)…On allait au Lycée Chasseloup Laubat en pousse-pousse. Parfois on allait à CHOLON « manger chinois », des soupes au crabe et vermicelles fins et champignons noirs. En dessert, il y avait des letchis.
-          J’en salive encore des années après !
-          Mes parents menaient une vie simple mais aimaient recevoir ou aller au théâtre, au restaurant aussi. Les soirs de réception, TI BA cuisinait et aimait faire une blanquette ou des tomates farcies et surtout des gâteaux délicieux ou des plats vietnamiens. Elle passait sa journée à faire les courses et à préparer le repas du soir. Ensuite, elle choisissait une belle nappe, les verres en cristal et l’argenterie. Elle était heureuse de montrer à  Maman qu’elle savait « recevoir » et tout faire…
-          Maman, revenant de son travail ne pouvait tout préparer et laissait TI BA se débrouiller. C’était toujours parfait d’ailleurs et les invités la félicitaient au dessert en lui offrant quelques bonbons. Elle faisait partie de la famille.  Ce sont de bons souvenirs…
Puis, en 1939, nous sommes rentrés en France par le bateau ERIDAN : belle « croisière » en passant par le beau canal de SUEZ. J’avais 9 ans et regardais les jolies dames en robes du soir -          de regarder et ensuite étaient emmenés dans une petite salle faite pour eux !
-          Une jeune hôtesse groupait les enfants par âge et nous avions formé de belles amitiés. On mangeait très bien et ensuite on allait voir un dessin animé de Walt Disney.
-          Ce retour d’Indochine (Vietnam) m’a laissé un délicieux souvenir. Les escales étaient intéressantes : Colombo où la chaleur était insupportable, mais où on achetait des sacs en cuir ou des petites robes à des prix très bas…On marchandait et on riait beaucoup…Un arrêt à SUEZ aussi, après le passage dans le fameux canal !
-          Puis on arrivait à Marseille en février en plein hiver alors que je n’avais jamais connu le froid. Les gens parlaient avec un accent et je ne les comprenais pas bien. Mais ils riaient et parlaient beaucoup en remuant les mains. Mes parents s’empressèrent d’acheter des gants et des pulls chauds. Je découvrais Marseille en taxi, le vieux Port, la Corniche, la Cannebière et toutes ces rues encombrées. Un train nous emmena ensuite à NICE où mes Parents avaient acheté une petite maison à CIMIEZ. Nice m’enchantait et la petite villa était superbe entourée de pins maritimes et de mimosas. En février les mimosas commençaient à fleurir et sentait bien bon. Je n’en n’avais jamais vus, on aurait dit des boutons d’or ! Moi qui connaissais les bananiers, les papayers, les avocatiers et autres arbres locaux, ici je m’étonnais de tout.
-          Cette nouvelle vie à NICE me paraissait le paradis. Mon école à deux pas de la villa, m’avait permis de me faire des tas de copines. Je travaillais assez bien ! En plus mes parents m’avaient inscrite au conservatoire de musique pour mes études de piano commencées à SAIGON. J’avais une vie de luxe et j’étais adorée de mes parents. Mais on parlait de guerre…
-          Bref, j’ai passé, là, toute mon adolescence, dans ce quartier luxueux rempli de villas magnifiques. Je ne parlerai pas de l’occupation italienne et allemande, c’est un souvenir de privations et de peur que je raye de ma mémoire…Années sombres pour tous…
-          1948 : Au conservatoire, j’ai fait la connaissance d’un jeune homme un peu plus âgé que moi et ce fut le coup de foudre réciproque. A dix huit ans, pas majeurs à l’époque, nous étions très surveillés…Nous allions au cinéma ensemble, nous allions sur la Promenade des Anglais faire du vélo, ou nous allions danser chez des amis.
-          Puis, un après midi, alors que j’attendais depuis une heure mon amoureux à la villa, je vis ma mère arriver en pleurant me disant qu’elle venait d’avoir un accident de voiture. Elle n’avait pu éviter un jeune homme qui courait et l’avait heurté violemment, on l’avait emmené aux urgences de l’hôpital ST ROCH et elle ne savait pas encore qui il était ni s’il était gravement touché !
-          Bien sûr, je me dis que le jeune en question devait être mon amoureux. Je fondis en larmes en demandant à ma mère de le décrire. Elle le connaissait à peine et ne put me renseigner. Naturellement, nous sommes allées à l’hôpital et après quelques questions, j’ai pu savoir que c’était bien mon amoureux ! Fatalité….Il était dans le coma et, n’étant pas de la famille, nous ne pouvions le voir ou interroger le docteur. Je restais plantée là, pleurant, ma mère désolée, me prenait dans ses bras, comprenant ma peine…
Jean-Yves resta six mois à l’hôpital et en rééducation ensuite. Ma mère avait été jugée irresponsable de cet accident mais elle vivait mal cette situation. Quant à moi, certes, je ne        lui en voulais pas, mais elle avait brisé mon rêve et démoli une vie ! Jean-Yves, en retard, avait voulu traverser hors des clous et n’avait pas vu la voiture…Il avait perdu un bras, sa carrière de pianiste était finie. J’allais le voir souvent sur son lit d’hôpital, il ne se plaignait pas et essayait de plaisanter parfois. Cela me rendait mal à l’aise. Au début, il était couvert de bleus et sa figure avait des cicatrices. A présent, il était redevenu le beau jeune homme que j’aimais, mais avec un bras en moins !
-          Quelques mois plus tard, Jean-Yves est sorti presque guéri et sans séquelles. Notre amour était intact et nous sortions de nouveau ensemble. Mais quand j’allais au conservatoire, il allait à l’atelier de peinture où on lui apprenait à peindre de la main gauche. Cela lui changeait les idées en plus de ses études de droit.
-          A 21 ans, ma majorité, je décidais de me marier avec Jean-Yves, comme nous l’avions toujours voulu. Mes parents et ses parents furent ravis, malgré quelques réticences que je comprends.
-          Quelques mois après, je continuais mes études de piano et Jean-Yves ouvrit son cabinet d’avocat. Nous nous aimions et je fus vite enceinte. Une jolie petite fille nous a comblés. Tous les parents l’adoraient, la gardaient, la sortaient ! Le grand bonheur…
-          Pour son premier anniversaire, Jean-Yves lui offrit un tour de manège : Elle était joyeuse, bien attachée, riait aux éclats. Puis brusquement, un poutre se détacha du plafond du manège et s’abattit sur notre poupée la tuant net…Tout s’était passé si vite que la foule était muette de peur et nous, nous étions terrorisés, bouleversés, devant cette petite poupée couverte de sang. C’était insoutenable…Je m’évanouis et Jean-Yves poussa un cri déchirant…
-          On ne sut jamais comment cette poutre était tombée. D’ailleurs cela n’aurait rien changé !
-          Des semaines, des mois, des années passèrent. Jean-Yves, avocat connu faisait beaucoup d’affaires et moi, je donnais quelques concerts pour oublier si l’on peut dire…
-          La vie était différente pour nous deux, nous ne voulions plus d’enfant, la petite était irremplaçable, nous allions de sorties en sorties chez des amis, au théâtre ou au cinéma. On tâchait de s’étourdir, d’oublier cette image affreuse du manège. Je ne pouvais passer devant un manège sans avoir envie de vomir.
-          Un matin, alors que j’allais à un concert au conservatoire, le téléphone sonna pour me dire de passer au Palais de Justice, mon mari avait eu un malaise.
-          Quand j’arrivais quelques instants plus tard, ce fut pour assister aux derniers moments de mon mari, après un infarctus. Le ciel me tombait sur la tête ! Ma fille et maintenant mon mari…
-          Je mis des mois à retrouver le goût de vivre, de sortir, de voir ma famille ou mes amis. Je vivais recluse chez moi avec mes souvenirs.
-          Des années plus tard, je m’engageais pour une association d’aide aux handicapés. Je voulais me rendre utile. Le malheur des autres m’empêchait de penser à mes propres soucis.
-          Je donnais des concerts pour le bonheur de ces pauvres handicapés, je leur parlais de mon enfance en Indochine. Bref, j’occupais mon esprit pour ne penser qu’aux autres. Mes malheurs m’avaient donné des idées de suicide, mais croyante, je ne pouvais me donner la mort…
Puis, un soir, alors que je jouais une étude de CHOPIN, indifférente à tout, n’écoutant que ma musique, je sentis une main sur mon épaule et vis ma chère amie Jocelyne me sourire gentiment. Nous nous étions connues à l’association des handicapés : Elle y était secrétaire. Elle connaissait ma vie, je lui avais fait des confidences jadis. Elle me souriait et m’embrassa affectueusement pour me féliciter, car CHOPIN était son musicien préféré. Du coup, je me mis à jouer plusieurs études et sérénades.
-          De cette soirée, naquit une amitié amoureuse qui dura des mois, une complicité charmante.
-          Bien sûr, son cancer eu le dessus, malgré les soins et elle me quitta pour toujours.
-          Je me sentais vidée, triste, dégoutée de tout.
-          Voilà donc ma fin de vie dans cette maison de retraite où je suis bien et où je regarde les autres qui ont sûrement eu une vie difficile aussi.
-          Je vis seule, sans visites ! Plus de famille, plus de concerts, plus de photos, plus de souvenirs anciens, j’ai fait le vide.
-          Mais je ne suis pas malheureuse et m’occupe parfois en faisant la guide de musée pour les handicapés, je suis bénévole et j’aime cela.
-          Je pense beaucoup à ma mort prochaine sans peur, sans angoisse, je suis sereine maintenant.
-          Personne ne se doute de ma vie et je passe pour une mondaine, une intellectuelle, une coloniale pour certains, une femme riche et comblée…
-          On se trompe souvent en regardant les gens : On ne peut juger sans connaître leur vie…

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Voilà, j’ai fini de lire ces petits carnets de souvenirs et Madame RICHAUD m’a donné quelques photos de son passé et je viens de rédiger cela sur mon ordinateur pour lui offrir ces confidences qui m’ont émue, touchée, et je tâcherai d’interroger d’autres pensionnaires pour mieux les connaître maintenant. Chaque personne a un passé touchant ou dramatique, parfois même drôle ?
Je vais continuer mes recherches et vous ferai part de mes entretiens avec ces « séniors » comme on dit à présent.

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