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CHANTAL



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samedi 21 septembre 2013

AU BAGNE EN 1920 PAR CHANTAL

J'ETAIS AU BAGNE EN 1920 J’ai 95 ans et suis dans une pension de famille charmante dans laquelle personne ne connait ma vie tumultueuse ! Cela vaut mieux, car on ne me regarderait pas comme un vieux monsieur sympathique… Remontons aux années 1920 : Un soir de beuverie, j’ai tué ma femme qui me trompait ouvertement. Alors, froidement, avec un couteau de cuisine je l’ai tuée... Elle est tombée devant moi et cela ne me faisait rien ! Morte sur le coup…Cela m’avait dessoulé d’ailleurs et je suis resté prostré devant ce cadavre plein de sang. Ma femme me trompait depuis si longtemps que je n’éprouvais plus rien pour elle, ni jalousie, ni haine, ni amitié, rien ! Mais là, je l’avais vue en petite tenue affriolante à travers la fenêtre du voisin ! Pour moi, elle n’avait jamais mis ce genre de sous-vêtements qui m’auraient sans doute réconcilié avec elle, qui sait ? Bref, je suis entré chez le voisin et dans un accès de colère, j’ai sorti mon couteau et le lui ai planté dans le cœur, ou le poumon, allez savoir ? Le voisin est devenu blême et a couru chez les gendarmes pour me dénoncer bien entendu. De toute façon, je comptais me rendre… Après quelques questions ils comprirent que j’étais le coupable, d’autant que je ne niais pas. Il y eut un jugement rapide et je fus condamné au bagne à Cayenne. En ce temps- là, on ne pouvait échapper à une telle condamnation sévère. Avec d’autres assassins et voleurs de poules ou braqueurs de banques, je fus conduit au Havre pour être embarqué dans un bateau sordide qui mettait trente jours pour aller dans les Caraïbes. Nous étions à fond de cale, tous serrés dans peu d’espace vomissant les uns sur les autres. Presque rien à manger ou à boire, mais des engueulades toutes les heures par le garde-chiourme de garde. Bref, c’est loin tout çà, mais je me souviens de notre arrivée à CAYENNE avec cette chaleur suffocante et humide et les moustiques le soir…On nous a conduits à Saint Laurent du Maroni dans des camions tellement vieux que le chauffeur devait s’arrêter de temps en temps pour refroidir le moteur. Nous étions tous attachés et avions un vêtement horrible à rayures délavées, et des savates en caoutchouc. Tout m’était indifférent, même la tristesse des autres, la pluie, la chaleur et engueulades. Je savais que je passerais sept ans dans ce coin perdu avec des hommes durs, cruels, qui se prenaient pour des chefs ! Je savais aussi que l’on devait faire le doublage sur place : c’est-à-dire sept ans de plus à Cayenne après la prison. Au-delà de huit ans, et doublage, il était interdit de retourner en France ! Je savais que la famille me laisserait tomber et que je ne trouverais aucun travail sur place ou en France en rentrant dans quatorze ans. Certes j’avais commis un meurtre de sang-froid, mais la peine était très lourde, loin de tout, dans un pays inhospitalier… Il n’était pas question de se faire un copain parmi les autres détenus ! C’était chacun pour soi et on se disputait pour un bout de pain rassis ou pour un bol de riz blanc souvent sale…Parfois quand on sortait (enchaînés) pour aller casser des pierres sur les routes de latérite, on arrivait à voler une banane souvent verte dans un champ ou un morceau de canne à sucre pourri. On dormait sur une planche en bois (bat-flancs) avec les pieds enchaînés, et si les moustiques ou cafards venaient nous rendre visite, on ne pouvait rien faire sinon se gratter ou crier… J’avais eu la chance d’être très grand et très fort 130 kilos, en partant de France, alors je supportais assez bien ce régime forcé. Mais j’avais toujours faim, comme les autres. Je perdais du poids chaque semaine, mais n’étais pas malade. Chaque soir il y avait des bagarres au couteau (fabriqués avec des bouts de fer), et le garde arrivait avec son fusil et essayait de mettre de l’ordre. Parfois, il nous tirait dessus ! J’ai reçu des plombs mais c’était superficiel heureusement. Tout m’était indifférent. Une fois je fus mis au cachot pour avoir engueulé le garde qui refusait de me donner à manger…Le cachot était une pièce de un mètre sur deux sans planche pour dormir, sans rien d’ailleurs, juste un vieux seau sale pour faire ses besoins. Seau que l’on devait jeter chaque semaine dans un trou proche du cachot. Inutile de vous parler de la puanteur, des bêtes, surtout des moustiques et des cafards… et de l’isolement. Le cerveau essayait de fonctionner normalement : Je faisais des exercices de mémoire pour m’occuper. Je récitais des petits poèmes appris jadis ou la table de multiplication…Parfois je pensais à des recettes de cuisine et fabriquais un bon gâteau en pensée. J’avais été pâtissier et ce métier m’avait tellement plu, que je cherchais toujours des nouvelles recettes ! Jadis, les gens se bousculaient pour venir acheter mes petites merveilles. C’est à cette époque que j’ai connu ma femme, qui était une jeune vendeuse. Bref, très vite, je vis qu’elle avait épousé le patron pour son argent et sa situation, mais qu’elle se moquait éperdument de moi. Elle était si jolie et si drôle que je lui passais tous ses caprices. Elle voulait toujours plus d’argent de poche, toujours plus de robes, ou de meubles. Elle faisait de moi ce qu’elle voulait. Quand elle était gentille et amoureuse, je la couvrais de cadeaux. Cela dura cinq ans et je découvris un soir, qu’elle me trompait depuis toujours avec notre voisin, son ancien copain. Ce soir-là, elle nia tout en bloc, et me dit que le voisin était un ami, c’est tout ! Je décidais de l’espionner et c’est alors que je la vis dans les bras du gars à travers la fenêtre : Ils ne se cachaient même plus : J’étais le cocu parfait… Je pris une bouteille de cognac et après plusieurs rasades, je sorti : C’est alors que je décidais de la tuer… Donc, j’ai fait sept ans de bagne dans des conditions terribles et j’ai perdu quarante kilos, mais n’ai pas eu de vraies maladies, à part des blessures, jamais soignées, des coups de déprime, des bagarres, des envies de fuir, chose impossible du reste. Je n’ai jamais pu m’exprimer aimablement avec quelqu’un, aucun prisonnier ne montrait une amitié ! On se détestait… A la fin de ma peine, on me mit dehors, je partis vers Cayenne, en camion, avec un baluchon de linge sale et un vieux chapeau de paille…Nous étions trois à sortir de cet enfer. Mais on ne communiquait pas. Que faire ? Où aller ? Sans argent, sans famille, sans soutien moral… Comme les autres, je me mis devant l’entrée du vieux marché et demandais l’aumône ou quelques fruits abimés, ou une banane. Les femmes noires avec leur accent créole, me méprisaient et passaient devant moi en se pinçant le nez. Certaines, très vieilles, me donnaient un bol de riz qu’elles déposaient devant moi par terre. C’était leur bonne action de la journée sans doute ? Je dormais à la belle étoile. Je cherchais à me faire embaucher…Qui sait ? Bien entendu personne ne voulait me donner du travail et d’ailleurs je n’étais pas présentable. Je commençais à désespérer quand j’eu l’idée d’aller chez un curé (un reste de mon enfance catholique) pour lui demander de l’aide. Un vieux père jésuite me reçut aimablement et me fit partager son repas : une queue de caïman sauce créole ! Un vrai délice. Sa petite bonne noire, au sourire radieux, me dit bonjour et m’apporta des bananes cuites avec un peu de rhum…Je faillis pleurer de joie, et je commençais à revivre. Le curé m’offrit un lit de camp et un drap et alla se coucher. Dans la nuit je fis des rêves agréables pour une fois. Allais-je retrouver la liberté ? Le curé me dit d’aller voir les religieuses de Cluny non loin de chez lui. Elles cherchaient un homme à tout faire : jardinage, bricolage, cuisine ou courses aussi… Je fus reçu comme un « monsieur » chez les religieuses. Elles avaient été prévenues par le curé et connaissaient mon passé. Le curé m’avait donné un short, une chemisette et des sandales et après plusieurs douches, je me sentais presque bien. La supérieure (appelée MERE AGNES) me dit immédiatement : Je connais votre passé, vos souffrances au bagne et votre solitude, sans famille, sans argent. Ici, Nous ne parlerons JAMAIS de tout cela ? C’est compris ? JAMAIS… Vous êtes un homme qui travaille et qui gagne sa vie. Mais je ne peux vous donner qu’un petit salaire, nourri et logé. Vous devrez vous conformer à nos habitudes, à notre vie religieuse, et être irréprochable sur le plan moral ! La gendarmerie viendra de temps en temps vous contrôler. Au revoir Monsieur ! -------------------------------------------------------------------------- Je commençais à croire en DIEU ! On m’appelait Monsieur et on me payait, on me logeait et on me nourrissait… Je faisais un peu tout chez les Religieuses : le jardin des fleurs, le potager, les courses, le bricolage et surtout (depuis qu’elles connaissaient mon passé de boulanger-pâtissier) elles me réclamaient des pains ou des gâteaux les jours de kermesses et petites fêtes d’enfants. J’étais heureux et la France ne me manquait pas du tout. Côté femmes ? Bref, j’étais loin de penser à elles… Je n’étais guère beau, les mains abimées, le teint brûlé, mal habillé. Les blancs, les créoles, les béqués, nous détestaient, nous les anciens bagnards, cela se comprend ! Quelle femme pourrait aimer un homme comme moi ? Donc je n’y pensais pas. Pourtant je les regardais ces jolies petites noires au sourire charmeur avec leurs boucles d’oreilles en or. Lors des fêtes nationales, ou les grandes fêtes religieuses, certaines revêtaient le costume local superbe avec leurs bijoux en or… Elles dansaient la biguine d’une manière charmante et avaient toujours le sourire. A présent les gens ignoraient que j’étais un ancien bagnard. Chez les religieuses, j’avais fait la connaissance d’une religieuse de mon âge, de la même région que moi, la CREUSE, et nous échangions des souvenirs ou des recettes. Certaines religieuses étaient de jeunes noires ou métisses, très dévouées, superbes dans leur costume bleu nuit, en laine, comme en France. Elles devaient crever de chaleur ! Parfois le curé leur rendait visite, j’étais chargé de faire la cuisine, avec des produits locaux : iguane, morue, poisson du pays, langoustes, crabes, fruit à pin, patates douces, pommes cannelle, bananes plantain, produits qui à cette époque étaient très bon marché. Mon logement de jardinier était confortable : une pièce spacieuse au fond du jardin des religieuses, avec une douche et W.C. C’est ainsi que je suis resté encore sept ans à Cayenne, plutôt heureux et payé. Je m’étais même marié avec une jolie métisse de mon âge (50 ans) et nous étions au service des religieuses. Elle avait été élevée par elles et savait broder, coudre, cuisiner et parlait sans accent. Les religieuses étaient des enseignantes, j’avais oublié de le dire. Je voyais arriver les écolières avec des fleurs pour la maitresse. Elles me faisaient toujours un petit signe de loin pendant que j’arrosais. Je n’avais pas eu d’enfants, je les regardais avec tendresse. Je suis donc resté jusqu’à ma retraite chez les religieuses et même après, avec ma femme, nous avons habité plus loin, mais nous continuions à les aider. J’étais vieux, fatigué, cardiaque, ma femme prenait soin de moi. Mais c’est elle qui partit la première : elle se baignait à la plage de BOURDA quand elle fut attaquée par un requin : on retrouva son corps sans jambes… Je fus inconsolable. Ma doudou (comme on dit là-bas) était une perle, rieuse, dansant si bien, me cajolant toujours, m’apprenant le créole, préparant le petit punch comme personne ! Je suis tombé très malade et les religieuses m’ont alors envoyé en France dans une pension de famille près de NICE. J’avais un peu d’argent de côté, je me trouvais dépaysé loin de chez moi, en Guyane ! J’ai fait des connaissances dans cette pension, même de martiniquais connaissant la Guyane. Personne n’était au courant de mon passé de bagnard. J’avais tourné la page de ma vie de jadis…Je vivais le temps présent en remerciant chaque jour mes religieuses et ma femme décédée trop tôt… J’ai beaucoup souffert, j’ai tué, j’ai payé ma dette, j’ai travaillé, j’ai aimé, j’ai été aimé aussi, je reviens de très loin… Beaucoup de gens se plaignent, que devrais-je dire ? C’est Monnerville qui a arrêté le bagne en 1946 et les derniers bagnards sont rentrés en France en 1953. Là-bas j’étais un numéro, sans nom, et ensuite grâce aux religieuses, on m’appelait Monsieur Huet, comme jadis… Voilà, vous connaissez mon histoire… ____________________________________________ Cette histoire est en partie vraie. J’ai connu un ancien bagnard qui avait eu à peu près ce parcours.. -------------------------------------------------------------------------- Chantal LECLERC (droits réservés) Septembre 2013 à NICE

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